Fragments de corps en gros plan, qui envahissent tout l’espace, aplats de couleurs franches, tracé agressif, voilà une œuvre qui vous saute aux yeux, qui vous saute au cœur. Qui vous prend à la gorge. Difficile de rester indifférent. On en  a le souffle coupé.

Expressionnisme ? C’est vite dit, quoique les noms d’un Schiele, d’un Nolde ou d’un Munch viennent à l’esprit, et ce ne sont pas de minces références. Les corps déformés, omniprésents dans leurs cadrages audacieux qui sectionnent ici une tête, là tout le bas du corps, repoussant les aplats vers les bords en supprimant toute marge, les mains ondulantes et comme douées d’une vie animale, les éléments sexuels – seins, sexes, poils pubiens – affichés crûment, tout renforce cette première impression. 

Mais à y regarder de plus près, à tenter de deviner les techniques, l’œuvre de Natalie, apparaît beaucoup moins simple à classifier. Si la violence de l’impact qu’elle a sur le spectateur suggère une exécution rapide, gestuelle, « spontanée » comme on dit souvent si imprudemment, un examen plus attentif dément cette première approche et révèle une très grande complexité technique, qui ne peut être que le fruit d’une lente élaboration, d’une véritable alchimie.

 C’est là un premier paradoxe: la brutalité apparente masque en réalité un extrême raffinement.  Les pastels secs, par exemple, avec leurs différentes matités, plus ou moins veloutées, les travaux à  l’encre, exécutés parfois sur un papier humecté afin que le trait s’effrange en fines barbes, les pastels gras travaillés et  retravaillés, surchargés d’épaisseurs, les collages subtilement intégrés aux dessins, les tracés eux- mêmes, à première vue d’un premier jet, mais qui sont engendrés, en fait, par de multiples courbes bosselées, peu à peu approchantes, ou par des hachures qui se cherchent par saccades, tout exclut la moindre idée d’instantanéité. 

La fréquence des déclinaisons d’une même forme, en des œuvres qu’on expose volontiers ensemble, comme les membres d’une même famille, révèlent un des secrets de leur genèse: c’est à partir d’un élément plastique,  parfois même issu de ses propres dessins, que la création de Natalie prend son envol, multipliant les variations, les enfantements successifs, de façon quasi obsessionnelle. Et l’on ne peut qu’être frappé d’admiration devant la patience, l’entêtement, l’obstination pathétique de cette recherche de l’artiste, afin d’exploiter au mieux l’expressivité des formes...

...Dernier paradoxe enfin, cette volonté instinctive ou plutôt ce besoin viscéral de s’exprimer, engendre des personnages totalement  refermés sur eux-mêmes, parfois sans yeux, toujours sans regard, souvent même  - fait rarissime en art – présentés de dos. Ils vivent leur vie secrète : à vous d’aller vers eux et d’écouter leurs silences. 

Aucune anecdote ne vous tendra la main, aucune concession à une quelconque joliesse séductrice ne viendra vous aider. Débrouillez-vous.

Natalie elle-même s’en est très bien expliquée : « Je suis l’acteur et le spectateur de mon œuvre et c’est le dessin qui me guide parce que je lui reconnais une existence propre », écrit la jeune artiste et comme rien, chez elle, n’est gratuit, il faut la prendre au mot quand elle écrit aussi : « Mon dessin est de nature plastique, il est la peau du personnage intérieur »...

 

Extraits de  Jacqueline Hellin, historienne d’art

Novembre 2007

 

 
 

La Libre Belgique, 03 octobre 1997

Le Soir, 13 mars 2002

Le Vif - L'Express n°9, 01-07 mars 2002

L'Eventail, mars 2002

A.A.A., mars 2002

L'Echo-Actualités, 07 octobre 2005

Elle Décoration n°149, octobre 2005

La Libre Belgique, 30 janvier 2008

Le Soir, 2-3 février 2008

L'Evènement n°368, février 2008

Le Wolvendael n°605, janvier 2014