Natalie Rolin, l'autre côté du miroir

 

Carte de visite

Talentueuse mais discrète, Natalie Rolin a vécu jusqu'à l'âge de 9  ans en Afrique, au Rwanda et en ex-Zaïre. Issue d'une famille uccloise cultivée, elle y a baigné dès l'enfance dans les discussions sur la litterature et la peinture. Rien d'étonnant, dès lors, qu'elle ait étudié l'histoire de l'art à l'Iselp. Elle a, selon sa propre expression, “pioché dans toute l'histoire de l'art”. Avec un bel œcuménisme: Paul Klee, Egon Schiele, les églises baroques, Picasso (“celui de la période bleue”), Jérôme Bosch, l'art cistercien du IXè au XIIè siècle, l'art contemporain après 1945. Mais elle s'est aussi intéressée à la musicologie, avec Weber et Schönberg, elle a fait de la photo, s'est passionnée pour la relaxation sophrologique et les médecines douces... Une passion qui s'étend aussi à la littérature, avec Jacques Prévert, comme à la science; elle adore Hubert Reeves. “J'aime aussi les confrontations entre les écrits, la calligraphie chinoise et les objets d'une autre époque. Le design, aussi. Ce n'est pas butiner, ce que je fais, c'est plutôt m'enrichir d'expérience en expérience pour pouvoir avancer dans mon art. Mentalement, j'absorbe comme une éponge et je restitue. ” Son art, précisément, c'est d'abord le dessin, qu'elle a appris avec Madeleine Martin et Colette Van Poelvoorde. Année après année, Natalie Rolin participe au parcours d'artistes d'Uccle, depuis son début en 1996. 

 

Sur sa peinture

Dans son atelier impeccablement ordonné, dans le joli parc qui abrite le home d'enfants Notre Abri, elle garde pour elle une trace des nombreuses œuvres vendues. Pour s'en souvenir. Mais elle ne s'y attache pas. “Je n'ai pas peur de me séparer de mes tableaux. Quand ils sont terminés, ils me quittent.” 

Le public a vite apprécié son dessin tracé d'un trait qu'on sait volontairement hésitant mais qui est très maîtrisé. Il a tout à la fois une sûreté presque japonaise et une spontanéité qui rappelle l'Art Brut de Jean Dubuffet. De fait, elle se retrouve beaucoup dans la pensée qui anime l'art Mingei, qui élague l'inutile, soustrait plutôt qu'additionne, ne distingue pas avant et arrière-plan. En même temps - et c'est un peu contradictoire -, elle pratique la non-retenue du graphe et du geste. “Je voudrais que le trait ait sa propre vie. Au fond, je suis plus graphiste que peintre et coloriste. J'aime la force du noir et blanc.” 

La palette des couleurs, chez Natalie Rolin, se limite à trois ou quatre. Le noir, bien sûr; le rouge sombre, un souvenir d'enfance de la latérite africaine, qu'elle retrouve dans des tissus kuba ramenés du Congo; l'ocre et enfin, un bleu mauve profond, la couleur des maisons de l'île de Ré qu'elle aime tant pour sa lumière si particulière. Les sujets? Pratiquement toujours des personnages, des femmes: “J'ai peu de goût pour dessiner la nature. Les femmes, je les dessine parce que j'ai envie d'aller voir de l'autre côté du miroir.” 

 

Steve Polus